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Représentation du Christ roi en Yvelines


La fête du “Christ Roi de l’univers” clôt l’année liturgique en ouvrant nos cœurs sur le désir ardent du retour du Seigneur. Le Christ Roi et le jugement dernier sont représentés dans les Yvelines dans deux églises : Saint-Etienne de Vernouillet et la Collégiale de Mantes-La-Jolie. Découvrons ces joyaux de notre patrimoine diocésain.

« Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui » (Mt 25, 31)

Ce texte, enrichi des visions de saint Jean dans l’Apocalypse, a nourri les images du roi de gloire appelé « Majestas Domini » qui dès le XIe siècle se répandent dans la statuaire, les fresques ainsi que l’orfèvrerie.

La fresque du Christ Roi de l’église Saint-Etienne de Vernouillet

Dans une mandorle, ici un ovale, apparaît une figure assise sur un trône, lointain héritage de l’iconographie impériale.

Dieu est représenté en Christ, on reconnaît son nimbe crucifère (une croix se dessine dans son auréole), il porte la robe blanche de prêtre et le manteau rouge de roi et il a la main levée, ses deux doigts sont le signe de sa parole : il est la Parole vivante et nous enseigne la vérité. Dans sa main gauche, il tient le livre de l’ancien testament que son enseignement va ouvrir.

fresque_doc_orignal_detail_1_christ.img_assist_custom-233x234À ses côtés se trouvent les tables de la Loi, symbole de l’ancienne alliance, et le calice du salut symbole de la nouvelle alliance. Ses pieds reposent sur le globe terrestre, sur lequel sont dessinés les trois continents connus à l’époque.

La construction géométrique est très symbolique : on retrouve une forme quadrilobée qui rappelle la croix, laquelle entoure à la fois la figure du Christ qui apparaît et la forme carrée, symboliquement la terre. L’entrelacs des symboles géométriques primordiaux cercle, centre carré, suggère la seigneurie universelle du Christ.

« Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. » 1Co 15,28

Le Christ est entouré des « quatre vivants » ou « tétramorphe » que décrit la vision d’Ezechiel et que reprend l’Apocalypse de saint Jean.

Au chapitre 1 du livre d’Ezechiel : « le ciel s’ouvrit et je fus témoin de visions divines ». « Au centre, je discernais quelque chose qui ressemblait à quatre êtres vivants ». « La forme de leurs visages, c’était visage d’homme et, vers la droite, visage de lion pour tous les quatre, visage de taureau à gauche pour tous les quatre, et visage d’aigle pour tous les quatre. »

Dans l’Apocalypse : « Devant le Trône, il y a comme une mer, aussi transparente que du cristal. Au milieu, autour du Trône, quatre Vivants, ayant des yeux innombrables en avant et en arrière. Le premier Vivant ressemble à un lion, le deuxième Vivant ressemble à un jeune taureau, le troisième Vivant a comme un visage d’homme, le quatrième Vivant ressemble à un aigle en plein vol. » Ap 4, 6-8

Saint Irénée de Lyon, au IIe siècle, identifie ces quatre vivants aux quatre évangélistes : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l’homme pour Matthieu et l’aigle pour Jean. Saint Jérôme l’explique ainsi :

fresque_detail_ange.previewL’homme ou l’ange est attribué à Matthieu parce que son évangile commence avec une généalogie et se poursuit avec les récits d’enfance où les anges interviennent à plusieurs reprises.

Le lion est associé à Marc parce que son récit s’ouvre avec la prophétie évoquant   « une voix qui crie dans le désert » et Jérôme associe cette voix au rugissement du lion.fresque_detail_aigle.preview

Le taureau, animal sacrificiel par excellence, représente l’évangéliste Luc à cause du sacrifice de Zacharie au Temple que l’on retrouve au début de son évangile.

Saint Jean ouvre son prologue sur le verbe avec une voix venue du ciel, l’aigle capable de voler et au regard perçant représente bien l’évangéliste Jean car son œuvre est considérée comme le plus spirituel des évangiles.

La représentation du Christ en gloire nous fait entrer dans l’attente du retour du Christ à la fin des temps.

Cette figure élaborée à l’époque carolingienne aura un grand succès durant toute la période romane. C’est l’image d’une théophanie atemporelle qui dit la présence souveraine du Seigneur à tous les temps et à tous les lieux. Elle offre une vision synthétique de la seigneurie universelle du Christ, roi des rois, maître du ciel et de la terre, fondateur, régulateur, médiateur, sauveur, détenant en tout la primauté et récapitulant tout.[1]

Au XIIIe siècle, l’image évolue, le thème du jugement dernier se développe et combine d’une part une imago théophanique : la Parousie du Christ juge, son retour glorieux à la fin des temps et, d’autre part les éléments d’une historia, d’une narration du jugement. Sur les tympans de nos églises, cette figure qui s’est largement répandue à l’époque gothique est surtout une invitation à entrer dans la joie des élus !

La rosace de la collégiale de Mantes-la-Jolie

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Cette rosace nous introduit dans le mystère du jugement dernier. Elle est composée de deux fois douze arcatures comme un soleil. Les couleurs des vitraux évoluent au fil des heures et passent d’un bleu sublime à un rouge somptueux en fin de journée quand le soleil à l’ouest éclaire la rosace. Il est hautement symbolique que ce thème soit situé à l’ouest, là où le soleil se couche : le Christ roi éternel revient à la fin de notre temps.

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L’oculus central d’où tout rayonne est occupé par une mandorle où trône le Christ vêtu du manteau pourpre de la royauté, se détachant sur un fond bleu et rouge. Il est entouré d’un chœur d’anges sortant de la nuée. Le Christ en gloire montre ses plaies, c’est à travers la croix qu’il nous a montré sa toute puissance d’amour.

 

 

 

 

 

rosace_3_detail_ange_choffar.previewLe premier cercle est celui des anges et des intercesseurs   inscrits dans des médaillons quadrilobés. Les anges sonnent la trompe, le shoffar des hébreux, corne de bélier en référence à Isaac sauvé par un bélier. Il est sonné au nouvel an juif pour célébrer la création. A cette occasion,un inventaire de tous les actes des individus au cours de l’année précédente est établi. Ce « jour du jugement » (yom hadin) est la préfiguration du Jugement dernier. Le shoffar sonne donc une vie nouvelle et au-delà, dans les représentations chrétiennes du Jugement dernier, la Résurrection.[2]

 

Dans le cercle extérieur sont illustrés les épisodes les plus connus du Jugement dernier tels que la résurrection des morts ou la pesée des âmes par saint Michel. Cet épisode est souvent compris comme si l’ange pesait les bonnes actions au regard des mauvaises. En réalité c’est par grâce que nous sommes sauvés, et même si le démon tente de faire pencher la balance de son côté, car c’est bien comme le père du mensonge, le plus souvent c’est l’image du sauveur lui même qui fait pencher la balance, ainsi l’agneau à Amiens, la croix à Conques.

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Puis saint Pierre accueille les âmes dans la Jérusalem céleste tenant sa grosse clé dorée.

Tout en haut de la rosace on voit le thème du « sein d’Abraham » : celui ci, père des croyants porte les âmes des justes, cette expression héritée du vocabulaire judaïque désigne le paradis tel qu’évoqué dans l’évangile de Luc au chapitre 16 à propos du pauvre Lazare et du mauvais riche.

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Sur le vitrail, il a un visage fort ressemblant à celui du Christ et un nimbe rouge comme lui, le sein d’Abraham nous introduit par glissement d’image à être sur le cœur de Dieu par le Christ.

 

 

crédit photo Thibaud d’Aboville

[2] Catherine de Salaberry, conférence sur le jugement dernier, paroisse saint Symphorien

[1] François Boespflug, Dieu et ses images, ed Bayard 2011

Nathalie Lockhart