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“Soigner, transmettre l’espérance”, réunion annuelle des sage-femmes et médecins catholiques des Yvelines


Le samedi 9 mars, s’est tenue au Foyer de charité de la Part-Dieu à Poissy, la réunion annuelle des sages-femmes et médecins catholiques des Yvelines organisée par la Pastorale de la Santé. elle avait pour thème : « soigner, transmettre l’espérance ». En voici la synthèse

Trois témoignages de vie proposés à notre méditation ont ouvert la journée exprimant, malgré l’incertitude de chaque parcours, les situations angoissantes, la présence discrète et mystérieuse d’une espérance qui demeurait au cœur.

M. Emmanuel Brochier, doyen de l’IPC – Facultés libres de philosophie et de psychologie – est ensuite intervenu, axant son propos sur la clarification de la notion d’espérance et sur la confrontation de deux conceptions de l’homme : celle du Transhumanisme techno-centrée qui domine actuellement la recherche scientifique et médicale et les politiques de santé et celle de la philosophie chrétienne, développée sous l’appellation de « l’imago Dei[1] ». Car la formulation même du thème de notre journée est signifiante : qui, en dehors des soignants chrétiens, aurait questionné de la sorte ? Et pourtant ce questionnement humain aurait très bien pu s’envisager dans un contexte non religieux.
M. Brochier a ainsi rappelé l‘impressionnante synthèse de la pensée de Kant ramenant la philosophie à 3 questions : celle des limites de la connaissance, notamment scientifique : Que puis-je savoir ? Cette première question suscitant celle de l’éthique : Que dois-je faire ? Et, in fine, la question transcendante : Que m’est-il permis d’espérer ? Et, ces trois questions, analyse M. Brochier, Kant les condense en une : qu’est-ce que l’homme ?

Tout d’abord, clarifier la notion d’espérance

« On n’espère pas ce que l’on redoute, on n’espère pas tomber malade ! » pointe d’emblée M. Brochier. On espère le désirable, ce qui nous apparait comme un bien, un bien hors de notre portée immédiate, un bien à conquérir et souvent avec difficulté. Aussi, l’espérance suppose une conviction, une certitude, i.e. la foi pour les chrétiens, car elle porte sur un possible qui lui permet de dépasser les circonstances extérieures, parfois désespérantes qui briseraient un « simple espoir ». Espérer a du sens mais la nature limitée de l’homme le convainc rapidement de l’impossibilité, par ses seules forces, d’accéder au bien désiré, notamment la guérison, l’apaisement pour la personne malade. L’espérance implique ainsi l’aide d’un autre qui, librement la donne. Cet Autre, qui engage sa propre liberté, déjà les philosophes grecs et nous même à présent, le nommons Dieu.

Aussi à quelle conception de la santé réfère la question de l’espérance ?

Selon l’OMS « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité[2]  » : curieuse définition où ce n’est plus la maladie ou le handicap qui sont visés mais un «  état de bien être complet » : il ne s’agit plus d’une « réalité naturelle mais d’une valeur  », souligne M. Brochier, jugement subjectif et contingent, fonction des normes culturelles et sociales. L’idée de transcendance est occultée au profit d’une vision à hauteur d’homme, c’est lui-même qui se donne désormais ses limites et ces limites lui paraissent maintenant, avec le mouvement transhumaniste  et avec le pouvoir que lui donne les nouvelles technologies, comme une ligne d’horizon.
M. Brochier a insisté sur la puissance de ce mouvement qui s’appuyant sur les progrès de la biotechnologie, de l’intelligence artificielle et de la génétique, ambitionne d’améliorer nos capacités cognitives, physiques et émotionnelles et ainsi d’évoluer vers une nouvelle forme d’humanité. A l’opposé, la conception chrétienne voit dans l’homme une fin en lui-même et non une réalité à transformer. Et c’est dans le corps entier, excluant tout dualisme corps et âme, que s’exprime l’identité de la personne. L’Homme est à l’image de Dieu1, cause première, qui lui donne d’agir selon sa nature en vue d’un bien ultime, celui de partager la vie divine. Soigner, selon la conception transhumaniste, apparait pour le chrétien fondé sur une fausse espérance.

Témoigner par la présence

Reprenant l’énoncé du thème, le Père Jacques Noah-Bikoe, curé de St Arnoult, doyen et co-responsable de l’école pour servir l’évangélisation, précise : témoigner parait plus ajusté que transmettre. Car soigner est une rencontre avec une personne malade, souffrante, vulnérable, une rencontre qui renvoie à celles que Jésus ne cesse de faire. Et ces rencontres sont sources d’expériences spirituelles authentiques dans lesquelles le Seigneur est présent.
Mais tout se joue dans une qualité de présence souligne le père Bikoe, où notre personne humaine dans sa totalité est engagée et notamment par les sens. Ainsi le regard : quel regard je porte sur la personne qui vient vers moi ? Qui la conduit à moi ? Car le regard touche et atteint, les personnes à l’exemple de Zachée qui devient, sous le regard de Jésus, capable d’une relation avec d’autres et avec le Seigneur. Mais « on peut vouloir ne pas voir  » modère-t-il. Ainsi l’écoute qui exige disponibilité intérieure et qualité de présence à l’exemple de Jésus avec les pèlerins d’Emmaüs. L’écoute comme lieu de révélation du cœur de la personne. Ainsi le toucher, sens de la délicatesse et de l’attention où la personne nous révèle quelque chose sur elle-même, à « l’image de  Jésus touchant le lépreux  ».
Oui ces sens expriment notre être intime et permettent de témoigner de notre espérance et ce en lien avec la parole, car «  témoigner c’est aussi parler »3. Oui, reprend le père Bikoe, l’espérance a Dieu pour moyen et pour fin et il faut préparer notre fin. Aspirant à la rencontre avec Dieu, écartons les faux espoirs dans l’Eglise ou dans notre vie et rappelons-nous que l’espérance passe par la vérité et, pour un chrétien, va au-delà de la mort.
Qui dit témoigner dit encore « audace » car notre parole doit être persuasive et dit « humilité » car témoigner, c’est ne pas parler de soi, c’est révéler un autre implicitement ou explicitement et c’est aider au discernement sur des choix de vie. Oui la parole du médecin a du poids et on peut aider la personne dans son cheminement vers et avec Dieu. « Oui, nous sommes appelés à être des révélateurs de l’Esprit Saint présent en nous » conclut-il avec force !

Olivier Ille, diacre au service de la
Pastorale de la santé pour les soignants


  • Communion et service. L’homme créé à l’image de Dieu, § 82.
  • Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946 et signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États.
  • « Veilleurs où en est la nuit ? petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains ». Adrien Candiard, Ed du Cerf 2016

[1] https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_con_cfaith_doc_20040723_communion-stewardship_fr.html

[2] https://www.who.int/fr/about/accountability/governance/constitution

Photo de couverture : © Godong – Pascal Deloche