Aumônier des étudiants dans le diocèse de Kisantu
Le Père Thierry Massé est en mission Fidei donum en République démocratique du Congo depuis 7 ans et encore pour 5 ans. A l’occasion de la visite de Mgr Bruno Valentin, fin novembre, il nous parle de ses projets et de son quotidien.
Père Thierry Massé, quelle est votre mission ?
Je suis prêtre du diocèse de Versailles depuis 32 ans et envoyé fidei donum en République démocratique du Congo depuis 7 ans.
Un prêtre Fidei donum est un prêtre envoyé par son diocèse pour servir à l’étranger. Littéralement « don de la foi », cette expression vient du titre d’une Encyclique de Pie XII, en 1957, qui ouvre les Églises diocésaines à la responsabilité de la Mission Universelle (Ndlr).
J’ai été animateur spirituel au séminaire propédeutique du séminaire de Kisantu situé à Lemfu pendant 5 ans, et depuis 2 ans, je suis aumônier de 4 500 étudiants de Kisantu : dont 2 500 en médecine et 1500 en sciences infirmières, 500 autres en politique, communication et pédagogie. C’est une aumônerie qui existe depuis maintenant 30 ans.
Actuellement ma mission se décompose en trois pôles : accompagnement spirituel, bâtisseur et administrateur de cette aumônerie qui est en train de s’ériger en paroisse : une église de 400 places a été construite en 2008, ainsi qu’un home en 2015, depuis 2020 un autre home, une cure, un podium, un mur de clôture, un parking, un clocher et un complexe pastoral et culturel financé par la conférence épiscopale italienne. L’Église universelle est bien à l’œuvre ici ! L’équipe d’animation paroissiale est composée de 9 étudiants et d’un couple.
Depuis 2016, avec un autre prêtre, nous avons monté une fraternité sacerdotale missionnaire Notre-Dame de la Mission pour un renouveau de la vie spirituelle et missionnaire dans le clergé. Nous avons été rejoints par 5 prêtres et une quinzaine de séminaristes.
J’assure toujours trois cours en propédeutique et une session biblique chez les Pères Piaristes et auprès des postulantes de 3 congrégations féminines.
Pourquoi partir en RDC ?
Dans ma jeunesse, ma famille a accueilli plusieurs années un étudiant congolais qui était comme un grand frère et je l’ai choisi en parrain de confirmation. A chacune de mes visites chez lui en 1990, 1993 et 2007, les évêques du lieu me demandaient si je ne voulais pas rester en RDC. A l’occasion d’une année sabbatique à Kisantu pour mes 25 ans de sacerdoce, l’évêque me l’a proposé à nouveau. Cette fois, je lui ai dit de voir avec mon évêque et Mgr Eric Aumonier a donné son accord pour un premier contrat Fidei Donum de 3 ans, puis un second et enfin celui qui court actuellement de 6 ans.
Le lien entre le diocèse de Versailles et la RDC est ancien. Dans les années 70, l’abbé Christian Durotois était envoyé en mission au petit séminaire de Lemfu et le p. Jean-Marc Bot a été professeur de philosophie au grand séminaire de Kikwit, un autre diocèse. Ici de nombreux prêtres se souviennent d’eux.
“Je visiterai les prêtres de mon diocèse là où ils vivent ” Mgr Luc Crepy
C’est en référence à ses mots que j’ai proposé, cet été, à notre nouvel évêque de venir jusqu’à Kisantu, mais son agenda chargé de l’automne ne lui a pas laissé la possibilité de se libérer et il a proposé à Mgr Bruno Valentin de le représenter. Pour moi, cette visite a été une bénédiction qui m’a conforté dans ma mission.
Ma communauté s’accroit, elle est en cours de transformation en paroisse, cela peut susciter des incompréhensions… Pourtant, et la présence de Mgr Valentin auprès de moi le confirmait, ce n’est pas mon œuvre mais une mission diocésaine qui m’est confiée. C’était donc une visite amicale autant qu’épiscopale : l’évêque auxiliaire de Versailles est venu à la rencontre d’un prêtre Fidei donum, regarder comment cela se passe et l’encourager dans sa mission.
Nous avons visité 3 paroisses, 7 congrégations, une dizaine d’écoles, le séminaire propédeutique, le petit séminaire et le grand séminaire de Mayidi qui compte 150 séminaristes ! Mgr Valentin a confirmé 30 étudiants et adolescents et baptisé 2 étudiants par délégation du cardinal Ambongo, archevêque de Kinshasa et administrateur apostolique de Kisantu. Il a aussi rencontré plusieurs frères évêques de RDC. Ces 9 jours ont été intenses et j’ai pu lui montrer toute la diversité, la vitalité de la mission mais aussi ses fragilités et ses faiblesses.
Parlez-nous de votre communauté
Le diocèse de Kisantu se situe au sud-ouest de Kinshasa, dans une région plutôt rurale. La chaleur y est humide et moite. On y parle 2 langues et plusieurs dialectes. Le français est la langue des études et des intellectuels donc des étudiants. Ce qui est frappant, c’est le décalage entre l’extrême richesse en ressources naturelles de ce pays et la pauvreté sa population qui fait partie des 10 % les plus pauvres du monde. Elle ne bénéficie absolument pas de l’exploitation des sols. Malgré cela, la vitalité et la jeunesse des catholiques congolais est frappante ! A l’aumônerie, nous touchons environ 1500 étudiants et environ 30 groupes de vie sont constitués (chorales, groupes de réflexion, formation, services, etc…) avec en moyenne 30 à 40 participants. 4 sont composés de parents, 5 d’enfants et adolescents et le reste sont étudiants.
La concurrence des sectes nombreuses qui entourent la paroisse et les étudiants catholiques en particulier, est un défi. Nous avons créé des équipes apostoliques pour joindre toutes les promotions de chaque faculté et plusieurs fois par an, nous proposons des neuvaines de prière charismatique et des campagnes d’évangélisation pour permettre aux catholiques partis dans ces sectes de revenir et de toucher d’autres étudiants. Tous les étudiants sont croyants car l’âme africaine est spirituelle… le défi n’est pas de croire à sa manière mais d’ouvrir les cœurs à la foi catholique.
C’est la liturgie qui prime et les fidèles se retrouvent ensuite en famille et entre amis. Les messes peuvent parfois durer 3 heures ; l’assemblée est en rythme, en osmose avec l’une des 5 chorales. Le rite romain est suivi avec quelques éléments du rite zaïrois, comme la danse des ministres autour de l’autel pendant le Gloria. Le rite prédominait au début des années 90 mais il est moins utilisé de nos jours au profit du rite romain. La Messe est donc toujours une célébration extrêmement festive avec toutefois plus de sobriété pendant l’Avent et le Carême. Noël se fête principalement à travers la liturgie, sans sapin, sans guirlandes et sans cadeau… en communauté puis en famille avec parfois beaucoup de pluie et de chaleur ! Les cadeaux sont offerts le dimanche de la Sainte-Famille.
Propos recueillis par Valentine Faure
Voir une vidéo présentant l’aumônerie
A revoir sur Facebook (accessible même sans avoir de compte Facebook), le reportage photo de sa visite par Mgr Bruno Valentin