Ce qui nous lie, de Cédric Klapisch
Un film pour parler de la relation père-fils et pour comprendre l’attachement à la terre
Ce qui nous lie, Comédie dramatique parue en 2017, durée : 1h53
Fiche imprimable avec minutage du film
Résumé
Alors que le père de famille est mourant, les 3 frères et sœur se retrouvent pour envisager la succession du domaine viticole familial. Mais Jean, l’aîné, parti depuis 10 ans a fait sa vie à l’autre bout du monde. Comment concilier l’amour de la terre et du vin, la fratrie et les besoins d’argent pour payer la succession ? Au fil des saisons, la décision murit comme le vin…
Intérêt du film : Une réflexion sur la relation père-fils et sur le lien à la terre de sa naissance.
Analyse
Les personnages
- Jean, Juliette et Jérémie : 3 frères et sœurs qui vont se retrouver orphelins. Leur mère est morte, il y a 5 ans (4 ans et 11 mois) et c’est le temps depuis lequel Jean n’a donné aucune nouvelle et n’est pas venu aux obsèques de sa mère.
- Le père a formé avec persévérance ses enfants à reprendre le domaine. Jean et Juliette sont les plus doués pour reconnaitre les vins, décider de la gestion du domaine. C’est par des évocations de l’enfance que le réalisateur évoque les souvenirs fondateurs de cette fratrie. Le père : on n’en voit que la main de mourant à l’hôpital. Il est pourtant omniprésent, dans les dialogues, les obsèques, dans la succession à gérer, dans les évocations de l’enfance.
- Le premier visage montré est celui de Jean enfant puis adulte. C’est bien par le regard de Jean que tout le film va être porté. Il est présent constamment, lui l’absent. Les raisons de son absence sont dévoilées petit à petit donnant de l’épaisseur au personnage.
- Jérémie un peu soupe au lait, ne dit jamais un mot plus haut que l’autre. Il va pourtant grandir et finir par s’affirmer face au beau-père et enfin déménager !
- Juliette est et sera la patronne. Depuis 2 ans elle assure la gestion du domaine par défaut. La tranche de vie racontée va lui permettre de trouver sa juste place.
- Les beaux-parents ! Qu’est-ce qui contribue à la caricature et donne un air de comédie au film ?
- Le maitre de chais : Marcel fait comme partie de la famille. C’est le pilier, le point stable, c’est lui qui accueille Jean à son arrivée, mais il ne prend pas position.
- Alicia : elle aide à une réflexion sur le couple : Quel besoin l’un de l’autre ? Comment le couple passe-t-il des besoins individuels de chacun à la construction d’un projet commun de couple ?
Les objets
Lle téléphone qui ouvre au-delà du domaine, la balançoire qui permet le lien entre passé et présent, les bouteilles signes de la convivialité, de la fête mais aussi de la richesse monnayable du domaine.
Les gestes et mouvements
Qui conduit tous les véhicules montrés (voiture, tracteur) ? Comment comprendre ce fil rouge ‘conducteur’ ? En plus ce sont les seuls moments où Juliette est seule….
Le travail dans la vigne : quelles tâches nous sont montrées au fil des saisons ? Quel impact des décisions à prendre comme la date de vendange ?
Les personnages se déplacent beaucoup au fil du récit. Quelles impressions génèrent ce mouvement ? On pourra évoquer plus en détail des plans au cadrage soigné comme le passage du porche de l’entrée du domaine notamment au début du film. Quel(s) lien(s) avec le périple de Jean ?
Quelle place de la route dans le récit ? Y a-t-il un chemin tout tracé ?
Repérer les scènes de face à face et celles où les personnages sont côte à côte. Quel impact de celles-ci pour l’avancée du récit ?
Les lieux
Les vignes bourguignonnes à toutes les saisons. Des paysages magnifiés par les cadrages.
Quelques scènes en intérieur, dans la maison liée au domaine ou dans la belle famille de Jérémie, domaine voisin.
La bande son : le récit est conduit par les scènes dans les vignes ou le domaine familial mais aussi par la voix du conteur Jean. Qu’est ce que cela induit sur la tonalité, l’ambiance du film ?
La chanson créée pour l’occasion est interprétée par Camilla Jordana (paroles et clip)
Proposition d’animation
Sur les relations père/fils
On pourra développer le rôle relatif de chacun des membres de la fratrie.
Tous trois travaillent dans la viticulture.
Le récit est porté par l’aîné. Il était destiné à être l’héritier dans la gouvernance du domaine. Mais il en a décidé autrement en partant. Quelle est l’attitude du père par rapport à cette décision dans le point de vue rapporté par Jean, (notamment sur le respect du choix du fils, sur l’incapacité à parler de ses sentiments) ? Qu’est-ce que Jean attendait en vain de son père et qui a provoqué sa fuite ?
Quelle image du père est donnée et comment évolue-t-elle au cours du récit notamment avec les dialogues entre Jean et Jérémie ?
Quelles scènes soulignent la transmission du père au fils ?
Dans les méthodes éducatives, on pourra pointer quelques contrastes entre les encouragements donnés par le père et les reproches formulés par le beau-père de Jérémie.
Quelle place pour la punition, ou du moins pour l’appel à la responsabilité ?
On pourra aussi faire le parallèle avec toutes les scènes où Jean soutient Juliette, la guide mais la laisse prendre sa décision. C’est elle la patronne. Il n’use pas de son droit d’ainesse.
Préciser aussi l’attitude de Jean avec son fils Ben, la qualité de sa présence même à distance.
Quelle place a la liberté dans l’éducation de ce père exigeant et aimant, amoureux de sa terre ?
Quelle(s) conséquence(s) pour Juliette qui ne s’est jamais opposé au père ?
Quel équilibre entre traditions et modernité ? Pourquoi Jean peut-il oser prendre des risques ?
Il est difficile de dire à ses proches qu’on les aime. Quel rôle de transmission de la mère (peu évoquée par ailleurs) ?
Pour faire un pas de plus : la relation de Jésus avec son Père est d’un autre ordre. Les carences humaines des relations montrées dans le film sont encore plus apparentes en les mesurant à l’idéal de la relation du Christ pour Dieu le père.
Par exemple, on peut proposer un échange sur le dialogue de Jésus à son père en Jn 17, 21-26. « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé… »
Sur le rapport à la terre
Quelles images, quelles scènes ou paroles marquent ce lien viscéral à la terre natale ?
Par exemple dès le début du film avec le défilé des saisons « Tous les matins ça change » ou « Plus tard je vais comprendre que rien ne changeait jamais »
Que penser de la réflexion de Jean : « en travaillant la terre, on sent qu’elle nous appartient et qu’on lui appartient »
Et celle de Marcel : « Je ne regarde pas la météo à plus de trois jours ».
La terre peut-elle être considérée comme un personnage ?
Quelle importance de l’indivision sur la succession ?
Le scénario propose de nombreuses solutions pour résoudre cette succession. Pourquoi n’est-il pas envisagé de faire un prêt ?
Pour vivre de la culture des vignes, le domaine doit rester suffisamment important. Pourtant des choix de production doivent être fait. Comment sont abordés les questions de culture biologique ? Comment gérer qualité par rapport à quantité ? Comment envisager l’évolution des goûts des consommateurs sur une production qui se gère à long terme ?
Le personnage de Lyna, la vendangeuse, permet d’ouvrir à une autre définition des racines. Laquelle ?
Et quel rapport au temps ? Comment intervient-il pour ‘mûrir’ tradition, transmission ? Le vin du grand-père n’était déjà pas le même que celui produit par le père…
Comment comprendre le titre du film « Ce qui nous lie » ? Serait-ce la fidélité au projet paternel ? (On n’entend jamais de réflexions du style « Papa n’aurait pas aimé, Papa n’aurait pas voulu… »)
De façon plus symbolique, comment résonne les paroles de la consécration, « fruit de la terre et du travail des hommes » ?
Dans l’image de la fin du film où Jean malaxe la terre dans sa main et manifeste son attachement à celle-ci, on peut évoquer le récit de la création Gn 2. Comment les liens symboliques terre/ciel du film peuvent nous ouvrir à réfléchir autrement la place de l’homme dans la création ?
Pour faire un pas de plus : proposer un échange à partir d’extrait de Laudato Si’, Pape François.
Les paragraphes 11 & 12 centrés sur François d’Assise et son rapport à la Création, les paragraphes 66 & 67 centrés sur les récits de la Création et le rapport de l’homme à la terre ou éventuellement les paragraphes 124 à 126 qui parlent de l’importance du travail.