Eclatante lumière : la Pentecôte dans le vitrail de l’église des Alluets-le-Roi
Ce vitrail de Pentecôte récapitule notre foi en Dieu, créateur et sauveur, Père Fils et Saint-Esprit. Il nous invite à accueillir en nous la lumineuse vie divine à la manière de la Vierge Marie, afin de devenir Corps du Christ et d’en être les témoins, là où nous vivons et jusqu’aux extrémités de la terre.
L’église Saint-Nicolas des Alluets-le-Roi fut édifiée entre la fin du Xe et le début du XIIe siècle. Une grande nef séparée d’un collatéral sud par cinq piliers massifs surmontés d’élégants chapiteaux du XIIIe conduit le regard vers le chœur qui fut voûté d’ogives au XVIe siècle.
En 2001, dans le cadre du réaménagement du chœur, suite au déplacement de l’ancien maître-autel, on découvrit les traces d’une fenêtre axiale.
Remplage et meneaux ont été entièrement sculptés afin de retrouver les formes de la baie de style gothique flamboyant. Aujourd’hui, nous pouvons admirer un vitrail créé par le peintre verrier Emmanuel Chauche.
Les apôtres réunis lors de la Pentecôte
Pentecôte en grec signifie cinquantième. C’est en effet le cinquantième jour après Pâques qu’était célébrée la fête juive de Chavouot ou fête des Semaines qui rappelait de don de la Loi à Moïse sur le Sinaï. C’est lors de cette fête que se manifesta le don de l’Esprit qui inscrit aujourd’hui la Loi d’amour non sur des tables de pierre mais dans le cœur des hommes.
La lumière venue du ciel illumine les apôtres réunis autour de la Vierge Marie, selon une des compositions traditionnelles de la Pentecôte.
Certains manuscrits anciens représentent les apôtres en figurant clairement Pierre et Paul, alors que ce dernier n’était pas présents à la Pentecôte, d’autres placent Marie au milieu des apôtres, selon Actes 1, 14 : « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus »
Dans les deux cas, plus qu’une illustration du récit de la Pentecôte, il s’agit de montrer la naissance de l’Église recevant l’Esprit-Saint qui rend les apôtres capables de remplir, sans peur, la mission d’annonce du Salut dans le Christ ressuscité.
Une lumière éblouissante
« Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. » Actes 2, 1-3.
Comment traduire visuellement le récit de Luc ?
Classiquement, les artistes ont retenu l’image des flammes de feu et ne pouvant représenter le vent ou le bruit, ils ont suggéré ces éléments par les attitudes de surprise des apôtres.
Dans le vitrail des Alluets-le-Roi, rien de tel. Le contraste entre les lignes lumineuses et la finesse des traits des personnages traduit l’irruption soudaine d’une force spirituelle puissante. Traits jaunes et bleus verticaux font penser à une chute d’eau qui évoque le baptême. Comment ne pas évoquer la promesse de l’eau vive que le Christ fit à la samaritaine ainsi que le fleuve d’eau vive promis aux apôtres[1] ? Saint Jean-Baptiste l’avait annoncé en parlant du Christ : « Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et dans le feu »[2]
Une bordure d’un rouge braise entoure la scène, et laisse cependant ouvert un passage, au centre du vitrail, pour ce rayon de lumière, comme pour inonder l’assemblée réunie dans l’église des dons de l’Esprit qui renouvelèrent le cœur des apôtres.
Ceux-ci sont disposés en cercle, le visage complètement tourné vers le ciel. Au centre, deux d’entre eux lèvent la main, signe éloquent du témoignage. Recueillis, les yeux mi-clos, assidus à la prière, ils attestent l’effusion de l’Esprit-Saint représentée ici comme une expérience à la fois commune et tout intérieure.
Un don trinitaire
La fête de la Pentecôte est aujourd’hui l’occasion de redire notre foi trinitaire : le Christ envoyé par le Père répand le don de l’Esprit. “Fais-nous connaître Dieu le Père. Fais-nous apprendre aussi le Fils et croire en tout temps que Tu es L’unique Esprit de l’un et l’autre.“[3]
Dans le vitrail des Alluets, l’Esprit, sous la forme d’une colombe se détache sur un cercle doré qui semble descendre de rayons colorés. Emmanuel Chauche lui-même expliquait avoir choisi le rouge symbole du Père et de sa royauté, le bleu symbole du Fils dans son incarnation et le jaune de l’Esprit souvent associé à la lumière ou au feu, selon la tradition iconographique, que l’on retrouve par exemple dans l’ajour supérieur du vitrail de la Pentecôte à Montfort-l’Amaury *.
Dans les ajours inférieurs, des éléments circulaires évoquent un mouvement au caractère cosmique rappelant la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » Gn1, 1-2. L’artiste dépeint la Pentecôte comme une nouvelle création selon l’interprétation commune que nous chantons dans la liturgie : « Envoie ton esprit Seigneur et tout sera créé, tu renouvelleras la face de la terre ».
Le Christ ressuscité nous partage la vie du Père par le don de l’Esprit. Nous sommes invités à découvrir la profondeur de la vie trinitaire et à y entrer ; à vivre de cet amour. Comment ne pas être éblouis par ce mystère ?
Marie, figure de l’Église en prière
La Vierge Marie, tout de bleu vêtue se trouve au milieu du cercle des apôtres. Elle est entièrement immergée dans un rayonnement lumineux.
Contrairement aux apôtres, Marie ne lève pas les yeux et garde les mains croisées sur le cœur en signe d’acceptation, dans la posture où elle est souvent représentée lors du Fiat de l’Annonciation.
Marie est par excellence celle qui accueille l’Esprit de Dieu, permettant que le Verbe se fasse chair en elle. Figure de l’Église qui prie, elle en est la Mère. L’Église naît du don de la Vie du Christ, l’Esprit-Saint réalise son unité et la transforme en Corps du Christ selon les paroles de saint Paul[4].
A la demande du pape François, Marie, depuis longtemps considérée comme « Mère de l’Église » est aujourd’hui célébrée le lundi de Pentecôte.
Contemplons ce vitrail comme une synthèse du mystère du Salut. Il récapitule notre foi en Dieu, créateur et sauveur – Père, Fils et Saint-Esprit- qui nous invite à accueillir en nous la lumineuse vie divine à la manière de la Vierge Marie afin de devenir Corps du Christ et d’en être les témoins là où nous vivons et jusqu’aux extrémités de la terre.
Nathalie Lockhart
[1] « Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » Jn7, 37-38
[2] Mt 3, 11 et Luc 3, 16
[3] Veni Creator, très ancienne hymne à l’Esprit dont on peut lire le texte entier sur : https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/prier/prieres/372194-veni-creator/
[4] 1Co 13 : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. »