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La prière, fiction dramatique de Cédric Kahn


Un lieu d’accueil en montagne qui offre travail et prière pour réinventer un avenir et sortir de la drogue, l’alcool…

Film d’1h47 paru en France en 2018

L’acteur principal Anthony Bajona été primé à Berlin en 2018.

Résumé

Thomas, un jeune drogué arrive en pleine montagne dans un lieu isolé ou travail et prière sont les seules armes pour sortir de la dépendance. Le temps et l’amitié seront deux éléments clés pour ouvrir de nouvelles perspectives, une nouvelle vie.

Point d’attention : des scènes violentes peuvent choquer (en particulier la crise de manque et la scène de sexe qui dure)

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Analyse

Les lieux

La montagne est belle, très belle. Hiver comme été, en lumière naturelle, nous percevons l’isolement de la communauté. Dans les vues d’ensemble, les personnages sont tout petits devant cette immensité.

Les intérieurs  : les prises de vue ne permettent pas de situer l’agencement des locaux de cette communauté bien particulière, entre les chambrées, les lieux de prière, de repas. L’approche n’est pas du tout documentaire.

Les personnages

Retracer l’évolution du personnage principal Thomas dont on apprend le nom au bout d’un quart d’heure de film. Jusque là il est prostré, n’a pas dit un mot.

Pierre l’ange gardien, son rôle dans l’accompagnement de Thomas, son histoire.

Olivier, sa femme et sa fille : les villageois en lien avec le centre de désintoxication.

La religieuse, bienfaitrice, aux méthodes étonnantes et à l’accompagnement spirituel particulier.

Marco : que sait-on de lui ?

Le prêtre, qui n’est pas montré comme aidant Thomas au discernement sur sa vocation.

Xavier et les autres pensionnaires.

Les objets – les gestes

Les outils du travail, avec des lames bien affutées qui augmentent la pression du début de film.

La cigarette, objet de désir pour combler le manque

La bible qu’il va dévorer en apprenant les psaumes par cœur.

Les garçons ne ménagent pas leur peine dans le travail qui doit fatiguer les corps.

Musique-paroles :

Chants religieux et textes bibliques sont entendus en entier. Le film prend son temps.

Par ailleurs les dialogues sont très limités, un peu plus développés lors des groupes de parole mais pour évoquer des valeurs comme humilité/orgueil, vérité/mensonge, mentalité, amitié.

Une musique revient 3 fois dans le film. La première quand Sybille en voiture redépose Thomas, la 2e fois lors de l’accident en montagne et la 3e fois à la fin du film. Le chant, en allemand, est le même que celui du film Joyeux Noël. C’est un classique de la langue allemande.

Les paroles traduites disent :

« Si tu restes avec moi alors j’irai en joie vers ma mort et mon doux repos.

Ah comme elle serait heureuse ma fin, tes jolies mains fermant mes yeux fidèles. »

Comment comprendre ces 3 moments musicaux ?

L’ambiance

Le début du film est très pesant. La mise à nu de Thomas, au sens propre, interroge. Entre-t-on dans une pratique sectaire ? Entre-t-on en prison ? Les séances de groupes de parole mettent mal à l’aise.

Les séances de travail montrent l’énergie terrible, la fatigue physique nécessaire pour que les corps évacuent le manque de la drogue.

La prière est une obligation. La violence de la souffrance des crises de manque impressionne.

Les méthodes pédagogiques de la religieuse choquent.

Les pensionnaires ne sont jamais laissés à eux-mêmes, jamais seuls. Pourquoi ? Sans doute cela évite les pulsions meurtrières contre eux-mêmes quand le manque est trop fort. Mais n’est-ce pas aussi un moyen de nier leur personnalité ?

Beaucoup de scènes se passent de nuit, sont sombres. Même dehors dans les magnifiques paysages montagnards, l’éclairage reste sombre, beaucoup de scènes ayant lieu en hiver. Repérer l’évolution de l’éclairage au cours du film. C’est la lumière de l’Espagne qui accompagne la fin. Comment cela invite à orienter l’interprétation et la compréhension de cette fin ouverte ?

Des incohérences ? En montagne, pourquoi Thomas est-il seul ? Pourquoi personne ne le recherche ?

Pourquoi aucun accompagnement spirituel hormis peut-être le court échange avec la religieuse ?

Pourquoi la mort de Xavier semble n’avoir aucun impact sur la vie de la communauté ?

Quel rôle de Thomas auprès de Xavier ? ange gardien comme Pierre avec lui ou est-ce encore trop tôt dans le processus de désintoxication ?

Pourquoi est-ce chez Sybille que Thomas va chercher le réconfort ? Comment la communauté soutient-elle ses membres ?

Il est évident que le film n’a pas une vocation documentaire !

Propositions d’échanges après le temps d’analyse

La Prière : titre du film, fil rouge dans la journée des pensionnaires

La majorité des scènes en groupe sont des scènes de prière. On n’a quasiment pas de temps de détente, de repas en dehors de l’excursion en montagne. En même temps elle vient rythmer les journées.

Elle rejoint la devise monastique de travail et prière.

Les prières entendues sont diverses : credo, Je vous salue Marie, chants à la vierge…

Quel(s) lien(s) entre amour et prière ? Qu’est-ce qui est dit de la prière ? Quels fruits ?

Une scène forte et symbolique se produit après la chute de Thomas au retour de l’excursion. C’est la seule scène de prière solitaire : Comment la comprenez-vous ? Quel impact de cette descente ?

Quel impact éventuel de la solitude ?

La prière est une rencontre avec Dieu. Elle n’est possible que dans la vérité. Pourtant le terme de mensonge revient régulièrement dans le film. La religieuse accuse Thomas de se mentir d’abord à lui-même.

Quand Thomas sera sûr de sa vocation pour demander à entrer au séminaire, il ment aussi au prêtre.

Pourquoi c’est à Pierre qu’il dit la vérité, qu’il partage ses doutes ?

Pourquoi fabriquent-ils tous deux une croix lors de cet échange ‘en vérité’ ?

Dans le dialogue avec la religieuse, par 3 fois elle repose la même question. La question de fond est une question de confiance.

Pour un pas de plus, partager sur le texte où Jésus pose par 3 fois la question à Pierre : m’aimes-tu ? avant de lui confier l’Eglise…

Autour de la dépendance

Faut-il avoir soi-même vécu l’enfer de la drogue pour aider d’autres à s’en sortir ?

La société juge, la communauté éducative de ce centre ne juge pas ceux qui arrivent et ceux qui y vivent. La porte est laissée ouverte, ils peuvent revenir. Plusieurs témoignages viennent le confirmer.

Quelle foi en l’homme est ainsi manifestée ?

Comment les méthodes éducatives montrent que ces hommes (et femmes) apprennent à vivre, à remarcher et non pas à marcher avec une béquille ? par exemple au début quand Thomas pousse et tombe avec sa brouette, personne ne vient l’aider. Il faut qu’il trouve lui-même le ressort.

Quand il coupe le bois comme un acharné, en force, la remarque d’Olivier est un simple encouragement dans la confiance….

Quel rapport au temps ? Combien de temps dure le film ? Qu’est-ce qui laisse penser que le temps n’est pas une contrainte, que l’efficacité n’est pas la méthode employée ici ?

La force du mot merci : ce mot revient souvent dès le début du film. Quel effet produit-il sur les relations entre les pensionnaires ?

Dans la scène de départ de Thomas, il doit accepter les mercis que lui disent les autres.

Comment ces petits mots peuvent-ils nous faire comprendre que l’on ne peut pas se sortir seul de la drogue ?

Quelles intentions du réalisateur pour mêler ainsi démarche de foi et désintoxication alors qu’il se dit non-chrétien ?