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La Semaine sainte à la maison, témoignage d’un père de famille


Nous nous sommes demandé si nous ne risquions pas de passer un peu à côté… d’autant que, malgré les vacances pour les enfants et le confinement pour tous, le travail continuait de plus belle pour les parents… Et finalement, nous avons vraiment vécu cette semaine intensément, voici comment

Déjà, dès l’annonce de la suspension des messes publiques, certains dans la famille avaient renoué avec la Liturgie des heures, notamment au lever (Laudes) et au coucher (Complies), grâce au site web de l’AELF. Nous avons aussi proposé à la paroisse de développer cette forme de prière pour rester unis ensemble. Le fait de ne pas recevoir l’Eucharistie pendant quelques temps ne nous a pas accablés : nous pensons à tous les chrétiens qui en sont privés bien plus durablement. Et nous pensons surtout à ceux qui ont perdu un proche, qui vivent une douleur et une séparation d’une toute autre dimension… Nous avons plutôt la conviction qu’après tout ce que nous avions reçu, nous pouvions nous montrer capables, très temporairement et dans les circonstances exceptionnelles qui nous sont imposées, de nous prendre en main pour assurer la « continuité liturgique » (de même qu’on a beaucoup parlé de la continuité pédagogique). Nous avons toujours été attachés à l’idée que la famille est « l’Église domestique », le lieu premier de transmission de la foi, d’abord par l’exemple vécu.

Un Triduum intense

Pour le Triduum, nous avons beaucoup apprécié les propositions reçues du diocèse ainsi que des mouvements de nos enfants, comme les Scouts & Guides de France. L’idée de faire un « jardin pascal » représentant les étapes de la Semaine sainte, a eu un grand succès. Les enfants se sont pris au jeu, certains allant jusqu’à relire attentivement les récits pour trouver des détails. Cela a contribué à créer, pendant les vacances, un climat familial vraiment centré sur la Semaine sainte.

Nous avons souhaité regarder des homélies enregistrées en vidéo. Cela nous semblait une façon de ne pas nous replier sur nous-même, dans notre seule sensibilité, de manifester que nous restions unis à l’Église, et de rester dans une attitude d’écoute d’une parole reçue.

Pour le reste, nous avons préparé et célébré chacun des offices en famille, en choisissant les chants, en nous répartissant les lectures et les chants, en rédigeant les intentions de prière universelle, en confectionnant un cierge pascal, et les différents actes liturgiques que nous pouvions faire en tant que laïcs. La veillée pascale a duré 2h30 sans que nous voyions le temps passer…

Nous avons vécu le mystère de Pâques avec autant d’intensité que d’habitude, mais très différemment malgré tout. Nous avons beaucoup pensé à notre ancienne chorale avec qui nous avions tant chanté ces offices les années passées ; à notre curé le p. Frasez, qui a vécu la grande Pâque et intercède maintenant pour nous auprès du Père ; à tous les prêtres qui ont sans doute ressenti plus cruellement leur isolement en célébrant dans une église vide ; à tous ceux que l’épidémie a touché, dans leur santé, dans leur cœur, dans leur activité… Cette année, les intentions de prière universelle ont été très concrètes. Paradoxalement, peut-être cet isolement nous a-t-il fait ressentir avec plus de force la communion avec l’Église universelle, et avec toute l’humanité, unie dans cette épreuve.

Actifs et impliqués dans la vie locale malgré tout

La vie de prière n’est pas séparée de l’engagement concret. C’était vrai en particulier pour Solange, qui est sage-femme et continue donc son travail auprès des patientes, car les grossesses et les accouchements n’ont pas été mis en pause avec le confinement. Peut-être même a-t-elle encore plus de visites à domicile qu’en temps normal. De son côté, l’une de nos filles, avec son équipe Compagnons, cherche des modalités nouvelles pour continuer, pendant le confinement, l’accompagnement des enfants de familles suivies par l’antenne du Secours catholique de notre paroisse.

L’implication des enfants a été plus forte aussi, notamment ceux qui commençaient à avoir du mal à trouver leur place à la messe. Pouvoir « servir » l’office, sans distinction entre garçons et filles, a été une vraie joie pour l’une de nos filles. Un temps d’échange après les lectures de la Vigile a permis à chacun de prendre conscience que nous avions été plus attentifs aux textes et que nous en redécouvrions certains. J’espère que cet élan ne retombera pas lorsque nous retrouverons le rythme ordinaire de la vie paroissiale.

Il nous restera certainement des choses de cette période. D’ores et déjà, des idées viennent pour le jardin de Pâques de l’an prochain ! Cette idée de créer une sorte d’équivalent à ce qui se fait pour Noël nous plaît beaucoup, et elle est riche de signification, puisque les deux fêtes sont intimement liées. D’ailleurs, à la réflexion, notre « tombeau » ressemblait un peu à une crèche… J’espère surtout que cette Semaine sainte hors norme aura développé la compréhension et le goût, chez nos enfants mais aussi chez nous, de la liturgie pascale, qui est un vrai trésor.

Pierre-Yves Stucki