Honorine, une sainte attachée à l’histoire de Conflans
La ville de Conflans-Sainte-Honorine célèbre la sainte dont elle porte le nom car celle-ci est arrivée au confluent de la Seine et de l’Oise à la suite d’un étonnant voyage. L’église Saint-Maclou de Conflans est riche d’évocations de la sainte patronne des bateliers et des prisonniers.
Une sainte des premiers temps de l’Eglise
Honorine vécut à la fin du IIIe siècle. Originaire de la tribu gauloise des Calètes, actuellement pays de Caux, elle grandit à Mélamare en Normandie où plus tard une chapelle lui fut dédiée, un hameau de Mélamare porte encore le nom de chapelle Sainte-Honorine. Elevée dans la foi au Christ, elle fut remarquée par le fils du Procurateur qui aurait fort apprécié de l’épouser, mais…il n’était pas chrétien. Appelée devant le représentant de Rome afin de sacrifier aux dieux romains, elle aurait dit « Votre menace est vaine, je suis chrétienne et jamais je n’offrirai l’encens à vos faux dieux. L’or et l’argent ne sont rien à mes yeux. A Jésus seul mon cœur sera fidèle. » (1)
C’est le sujet repris par la toile d’Alexandre Grellet (2) marouflée au-dessus de la porte de la sacristie dans l’église Saint-Maclou à Conflans. On y voit la sainte pressant la croix du Christ sur son cœur et montrant du doigt le ciel. Vêtue de blanc au milieu de la scène, elle irradie la lumière face au doigt accusateur du procureur. Des soldats préparent un bûcher tandis qu’un autre tient une hache. En réalité on ne sait pas quel fut son supplice. Elle fut martyrisée en 303 à Lillebonne, appelé autrefois « Juliobona » en hommage à l’empereur Jules César.
Le corps d’Honorine fut jeté dans la Seine qui passait au bas de la falaise à cette époque, il dériva plusieurs jours et se retrouva sur la berge de rive droite à peu près au bas de la falaise où se trouve la ville du Havre actuelle. Puis, après 326 et la lettre de Constantin dans laquelle il demande de laisser en paix les chrétiens, le corps d’abord enterré “hors d’eau” au pied de la falaise fut remonté sur le plateau et le culte de Sainte Honorine s’organisa. Son corps fut placé dans un sarcophage de pierre dans une chapelle au lieu-dit “Graville” et confié à une petite communauté monastique qui édifia un prieuré vers le Vème siècle.
L’histoire du voyage d’Honorine continue…
En 876, afin d’éviter une profanation des reliques au moment de l’invasion normande, les moines du prieuré de Graville chargèrent le reliquaire sur un cheval et se dirigèrent vers Paris. Apprenant que Paris aussi était attaqué par l’envahisseur, ils demandèrent asile et protection au seigneur du « castrum » de Conflans.
204 ans plus tard, le seigneur demanda alors à l’abbaye du Bec Hellouin l’aide de quelques moines pour garder les reliques et accueillir les pèlerins ; ainsi naquit le prieuré de Conflans (actuel musée de la Batellerie) dont l’église Sainte-Honorine fut consacrée en 1086 en présence de l’évêque de Paris et du prieur Anselme du Bec Hellouin (3). Le vitrail de 1860 de l’église Saint-Maclou de Conflans retrace ces épisodes.
Sur son passage, des miracles !
Lors de la translation des reliques dans le nouveau reliquaire, cette même année, une barque de pèlerins traversant la Seine commença à sombrer, le frère Anselme invoqua avec ferveur Sainte Honorine, le miracle s’accomplit et elle fut déclarée patronne des mariniers.
En 1137, le chevalier Enguerrand de Boves fut délivré de ses chaines après avoir invoqué la sainte, elle devint aussi la patronne des prisonniers. Des ex voto sous la forme d’anciennes chaînes étaient autrefois accrochés dans l’église.
Depuis elle est souvent représentée portant un fermoir de chaîne ou une chaîne autour d’un poignet, en plus de la palme du martyre.
Plus récemment, en 1942, l’abbé Starck, que les médecins ne savaient plus soigner, tint les reliques de Sainte Honorine sur son cœur toute la nuit et fut miraculeusement guéri.
En souvenir de ces miracles, une procession organisée chaque année maintient vivant le souvenir de sainte Honorine. Un cantique est composé en 1875 sur des paroles de l’abbé Vallet, curé de Conflans : « Sainte Honorine, l’espérance des captifs et des matelots, obtenez-nous la délivrance de nos périls et de nos maux ». Jean-Pierre MILLIOUD , organiste titulaire de la Cathédrale de Versailles, a composé en 1987, un nouveau chant de procession à l’occasion du Pardon de la Batellerie de juin 1987. La procession, avec la statue de Sainte Honorine, a commencé sur une péniche puis a traversé le Vieux Conflans jusqu’à la place de l’église St Maclou. La statue a été installée à l’angle de la maison de quartier.
Le vitrail du chœur de l’église Saint-Maclou, réalisé en 1851 par le maître verrier Jacques Avoinet, relate la translation des reliques, en présence du futur Saint Anselme auréolé, et la libération des prisonniers à l’invocation de la sainte représentée en compagnie d’un ange.
Pourquoi vénérer les reliques
Dans l’église Saint-Maclou se trouve la châsse de Sainte Honorine, réalisée en 1860 en bronze fondu et doré, elle a la forme d’une petite église gothique surmontée d’une croix. Les reliques peuvent être vénérées, notamment à l’occasion de la fête de la sainte le 27 février.
La vénération des reliques est l’expression d’une foi vivante de l’Eglise, peuple de Dieu, elle traduit une mise en route à la suite du saint vers Celui qui est le Chemin et atteste de la foi en la communion des saints et en la résurrection de la chair. Les reliques renvoient au saint vivant dans le Royaume de Dieu, cet objet qui semble porteur de mort est donc un signe paradoxal de vie éternelle.
Ce culte souligne donc l’éminente dignité du corps comme lieu où la grâce baptismale se déploie. Le concile de Trente (1545-1563) réaffirme le bien fondé du culte voué aux saints à travers leurs reliques : « les fidèles doivent aussi vénérer les saints corps des martyrs et des autres saints qui vivent avec le Christ ; ils ont été des membres vivants du Christ et le temple du Saint-Esprit et seront ressuscités et glorifiés par lui pour la vie éternelle. Par eux, Dieu accorde de nombreux biens aux hommes. » (4)
Vatican II précise que le culte des saints est en lien avec le culte eucharistique. Le saint est celui qui suit le Christ, tête du corps ecclésial. Il nous précède dans le Royaume ; sa vie, son œuvre et tout lui-même ont été transfigurés par la grâce du Christ. La démarche spirituelle autour du culte des reliques doit conduire au Christ. La relique, corps qui a été transformé par l’Esprit Saint, est une médiation, mais ne doit pas être objet d’idolâtrie ou de superstition.
Ainsi la relique manifeste des fondamentaux de la foi (5) :
- Le caractère historique du salut opéré par Jésus
- La compréhension du mystère pascal qu’ont vécu les saints
- La dimension eschatologique de la vie, comme un chemin d’éternité
Invoquons Sainte Honorine, afin qu’elle nous garde fidèles témoins du Christ ressuscité et nous libère de toutes les chaînes qui entravent notre liberté intérieure d’enfant de Dieu.
Fille des Galetis, fille de Dieu, tu combattis pour la vérité et péris pour ta foi
Epouse du Christ, pour son amour tu as versé ton sang, A Graville qui t’accueillit, un sanctuaire on bâtit.
Lors des grandes invasions, tes restes il fallut sauver, jusqu’à Conflans où contre le rocher, la seine et l’Oise viennent se rencontrer.
Du prisonnier sois la consolatrice, guide sur l’eau le marin, pour nos fautes prie pour nous et des malheurs garde-nous.
A ceux qui vont et viennent en bateau, donne le courage sur l’eau ; A Conflans qui garde ton nom, fais l’hommage de ta protection.
Nathalie Lockhart
- DUPUY Patrice, Sainte Honorine, pèlerinage et prieuré de Conflans, des origines à nos jours, ed du Valhermeil, 2000 ; Ouvrage, réalisé en lien avec l’association “Conflans à travers les âges”
- Alexandre Grellet, peintre et mosaïste, 1935-1918, réalise cette peinture à la cire en 1874.
- Anselme deviendra archevêque de Canterbury et sera canonisé en 1494 et élevé au rang de docteur de l’église.
- Textes doctrinaux du magistère de l’Eglise sur la foi catholique. Traduction et présentation de Gervais Dumiège, Paris, Edition de l’Orante, 1993, P. 322
- Gilles DROUIN, directeur de l’Institut Supérieur de liturgie, conférence lors d’une formation aux comités diocésains d’art sacré, février 2018.
Découvrir aussi ce diaporama de la webTV de la CEF sur Sainte Honorine