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Soin des migrants : « Ni l’invention d’un pape, ni un délire passager »


Faisant face à la réticence qu’il perçoit de la part de nombreux chrétiens, le Pape François prend soin, dans son exhortation apostolique « Gaudete et exultate », de rappeler que son message pour l’accueil des migrants n’est ni l’invention d’un pape, ni un délire passager. De fait, sa parole s’inscrit dans la tradition biblique et dans la pensée sociale de l’Eglise.

Dès le début de son pontificat, lors de sa visite à Lampedusa, il dénonce la « mondialisation de l’indifférence » et nous met dans la position de Caïn frappé par la question du Seigneur : « où est ton frère ? » (Gn. 4, 9). Dans ses nombreuses interventions ultérieures2, il fera ainsi usage des principes fondant la pensée sociale de l’Église. Quelques-unes des références à ces principes sont à trouver ICI.

Le message biblique

Voir dans l’étranger le visage même de Jésus, c’est ce à quoi l’Évangile nous invite :«  J’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli »(Mt. 26, 43). Fidèle à cette injonction, le Pape se réfère  à la vision traditionnelle de l’Église qui voit dans la vie de Jésus, celle d’une personne déplacée, né dans une mangeoire, exilé en Égypte et qui n’avait même pas une pierre pour reposer sa tête. Évoquant « l’expérience de refus vécue par la la Sainte Famille »3, il reprend les paroles du Pape Pie XII qui voyait dans la Sainte Famille de Nazareth émigrée, fuyant en Égypte, « l’archétype de toutes les familles de réfugiés »4. Jésus, Marie et Joseph, vivant en exil en Égypte pour échapper à la fureur d’un mauvais roi, sont, pour tous les temps et tous les lieux, les modèles et les protecteurs de tout migrant, étranger et réfugié de toute sorte, que ce soit par peur de persécution ou par le besoin, forcé de quitter sa terre natale, ses parents bien-aimés, ses amis proches, et de chercher un sol étranger.

Les signes des temps

Le 3 septembre 1914, le Pape Benoît XV, touché par les mouvements de population engendrés par la guerre a instauré une journée mondiale des émigrés, constamment reprise par ses successeurs. Le Pape François a été fidèle à cette tradition dès 2013, année où il a publié, le 5 août, un message pour la centième journée mondiale des migrants et des réfugiés, fixée le jour de l’Épiphanie 2014. Il y appelle à voir comme un «  signe des temps » la croissance du phénomène de la migration humaine. Les pères conciliaires avaient déjà appelé L’Église au devoir « de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. » 5 Gaudium et spes a ainsi appelé les chrétiens à connaître le phénomène migratoire et à reconnaître le droit d’émigrer et la dignité de l’émigré6.

La dignité et la centralité de la personne humaine ; la famille humaine

Pour le Pape François, le regard posé sur les migrants doit tenir compte de leur dignité de personne humaine, trouvant sa source dans le dessein créateur de Dieu, puisque Dieu a créé l’homme à son image. (Gn. 1, 26). Tous ils ont été également rachetés par Jésus-Christ et rétablis par lui dans leur dignité d’enfants de Dieu, et ainsi un véritable lien de fraternité les unit, soit entre eux, soit au Christ leur Seigneur qui est le « premier-né parmi un grand nombre de frères »7. Créé par Dieu comme unique et irremplaçable et rattaché au Christ, centre et principe de toutes choses, l’homme est au centre de la vie sociale8. Ce principe de centralité « nous oblige à faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale »9

Le développement intégral de l’homme

Le Pape Paul VI avait fait de la question du développement intégral de l’homme, la question centrale de son encyclique « Popularum progressio ». Il s’agissait de promouvoir un développement de tout homme et de tout l’homme, sous forme d’un appel à la solidarité, à la fraternité et à l’assistance aux faibles. Pour sa part, le Pape François, considérant « qu’il ne peut y avoir aujourd’hui un service du développement humain intégral sans une attention particulière au phénomène migratoire », a créé un dicastère dédié à cette fin, en y incluant la sollicitude particulière à l’égard des migrants. Le dicastère promeut le développement humain intégral à la lumière de l’Évangile et dans le sillon de la doctrine sociale  de l’Église10.

 

Appel à une autorité politique mondiale ; référence au droit international

C’est en suivant aussi ce sillon que le Pape se réfère au droit international, droits de l’homme et droit de l’enfant, et appelle de ses vœux la maturation d’autorités internationales. La mise en place d’une véritable autorité politique mondiale pour réguler les flux migratoires avait déjà été promue par le Pape Benoît XVI qui voulait en faire un organe ordonné à la réalisation du bien commun et s’engageant pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. 11  Le Pape Jean XXIII demandait déjà la constitution d’un organisme de caractère général, dont l’autorité vaille au plan mondial, pour veiller au bien commun universel et au droits de la personne12.

Dans la ligne de la pensée sociale de l’Église

A travers ces quelques exemples, il apparaît qu’il n’y a pas de césure entre les prises de position du Pape François envers les migrants et les orientations constantes de la pensée sociale de l’Église. L’insistance particulière qu’il y porte, répond à la lecture des « signes » d’un temps où cette question a pris une acuité extrême et une ampleur mondiale particulièrement aiguë.

Philippe de Pompignan

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1 – Exhortation apostolique « Gaudete et exultate », n° 103.
2 – Voir ici quelques-unes des plus marquantes.
3 – Message du Pape François pour la journée mondiale du migrant et du réfugié 2018.
4 – Cf. Constitution apostolique « Exsul familia nazarethana ».
5 – GS n° 4.
6 – Cf. GS 65 et 66, ainsi que l’instruction « Erga migrantes caritas Christi » (La charité du Christ envers les migrants).
7 – Cf. « Rerum novarum » et Rm. 8, 29.
8 – Cf. « Centesimus annus » ; l’homme et non les marchandises au centre de la vie sociale.
9 – Message Du Pape François pour la journée mondiale du migrant et du réfugié 2018.
10 – Cf. Statut du dicastère pour le service du développement humain intégral ; Motu proprio du 17 août 2016.
11 – Cf. « Caritas in veritate » n° 67.
12 – Cf. « Pacem in terris », n° 138 et ss.