Lumen Fidei : éclairer la lumière
La 1ère encyclique du pape François n’est pas précisément une lecture de plage : elle demande forcément un peu plus d’attention qu’un roman de l’été à lire au soleil ! Et pourtant, c’est un texte en lui-même lumineux, puisque François, assumant explicitement dès l’introduction le travail préparatoire accompli par Benoit XVI, entend dans cette encyclique éclairer la lumière de la foi.
Lumen Fidei : Eclairer la Lumière
La foi apparait à bien des intelligences modernes comme une lumière paradoxale, voire illusoire, « une illusion de lumière qui empêche notre cheminement d’hommes libres vers l’avenir » (§2), quand elle n’est pas directement synonyme d’obscurantisme. C’est pourquoi le pape nous invite à redécouvrir la nature propre de la lumière de la foi.
Mémoire de l’avenir
La foi est d’abord la lumière qui guide toute la marche du Peuple de Dieu à travers l’Histoire. Partant d’Abraham, le 1er chapitre de l’encyclique récapitule cette longue marche vers le Salut, éclairée par la foi qui « ne fixe pas dans le passé mais, étant mémoire d’une promesse, devient capable d’ouvrir vers l’avenir, d’éclairer les pas au long de la route. » (§9) C’est cette foi, « mémoire de l’avenir », qui permet d’avancer dans l’espérance. Tout ce qui brille n’est pas lumière : le pape développe la tentation toujours présente aujourd’hui de se perdre dans le « labyrinthe » de l’idolâtrie (§13). La marche de la foi aboutit dans cette première partie au pied de la Croix, d’où jaillit la pleine lumière dans laquelle « la foi non seulement regarde vers Jésus, mais regarde du point de vue de Jésus, avec ses yeux : elle est une participation à sa façon de voir. » (§18)
Éclairer la vérité
La foi est-elle en mesure d’éclairer la vérité elle-même ? C’est la question qu’affronte le deuxième chapitre, qui scintille nettement du regard de Benoit XVI. Il part du constat que l’on cherche bien souvent aujourd’hui à « éliminer la connexion de la religion avec la vérité, car ce lien serait la racine du fanatisme qui cherche à écraser celui qui ne partage pas la même croyance. » (§25) Le pape s’attache longuement à contredire cette accusation, en démontrant que « la foi connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour, dans la mesure où l’amour même porte une lumière » (§26). « La lumière de l’amour, propre à la foi, peut illuminer les questions de notre temps sur la vérité » (§34), et servir ainsi le bien commun. A travers tout ce chapitre s’esquisse un très beau portrait du croyant authentique, humble chercheur de Dieu lui-même en chemin.
De visage en visage
Dans la troisième étape de son exposé, l’encyclique contemple ensuite la manière dont la lumière de la foi se transmet jusqu’à nous, par un jeu de reflets ininterrompu : « il s’agit d’une lumière qui se reflète de visage en visage, de même que Moïse portait sur lui le reflet de la gloire de Dieu après lui avoir parlé. » (§37) Par nature, la foi se vit et se transmet en Eglise. François déploie alors « les 4 éléments qui font le trésor de mémoire que l’Eglise transmet : la Confession de foi, la célébration des sacrements, le chemin du Décalogue, et la prière. » (§46)
Ne nous laissons pas voler l’Espérance !
« La lumière de la foi ne nous fait pas oublier les souffrances du monde ». (§57) Le 4ème et dernier chapitre explore alors la manière dont « la lumière de la foi se met au service concret de la justice, du droit et de la paix », en raison de son lien avec l’amour. (§51) On retrouve les insistances propre du pape François dans ces développements sur la lumière de la foi qui « n’éclaire pas seulement l’intérieur de l’Eglise » mais tout autant la vie de famille, les rapports sociaux, la nature qui nous entoure, et finalement « les préoccupations de tous les hommes. » (§57). « Ne nous faisons pas voler l’Espérance ! » C’est sur ce cri du cœur que le pape clôt sa réflexion. C’est cette intention qu’il confie finalement à la Vierge Marie, Mère de notre foi.
Une encyclique n’est pas un tweet, aussi vite émis que dissout dans le brouhaha du monde. C’est une pierre miliaire, un jalon qui demeure pour marquer le chemin de foi du Peuple de Dieu. Lumen Fidei, parce qu’elle porte de manière très visible les traces croisées du travail de Benoit XVI et de François, est plus qu’un enseignement : c’est un témoignage en acte de la continuité de la foi. C’est sans doute ce qui fait sa saveur unique.