Saint Joseph, l’homme juste, père, époux, protecteur, serviteur…
« Notre monde a tant besoin d’être guidé par l’exemple, la force paisible d’hommes comme Joseph ». Benoît XVI – Méditation au fil de quelques œuvres du diocèse de Versailles
Généalogie et paternité de Joseph
De Joseph, Jésus n’a jamais parlé, peut- être parce qu’il était ce « plus petit , le plus caché, le plus effacé de tous les fils des hommes[1] » . Pourtant Joseph, époux de Marie, est celui qui rattache
Jésus à Abraham, selon une généalogie humaine.
L’Eglise reconnait un lien entre les patriarches de l’Ancien testament et saint Joseph, c’est ce que saint Matthieu nous révèle lorsqu’il nous communique dans son Evangile, le « livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham[2] ». Jésus est aussi le Messie, l’oint de Dieu selon une genèse divine.
Joseph est de la maison et de la descendance de David – de lignée royale – et Marie lui est accordée en mariage. Il est bien enraciné dans le peuple d’Israël. En Palestine au 1er siècle, le mariage se passe en deux temps. Il y a d’abord un contrat irrévocable entre les deux familles, la très jeune fille ne partage pas encore la vie de son époux. Ce n’est que quelques années plus tard, après une cérémonie, que l’époux prendra chez lui son épouse. Au moment de l’Annonciation, Joseph et Marie ne vivaient pas ensemble, or « elle fut trouvée enceinte grâce à l’Esprit Saint[3] ». Joseph, dans son amour pour Marie et son respect pour la volonté de Dieu, décide alors de redonner à Marie sa liberté et cela dans la plus grande discrétion. Il avait compris que l’oracle d’Isaïe[4] s’était réalisé en elle. Il devait donc s’effacer. Il aime Marie pour elle-même et pour qu’en elle la volonté de Dieu se réalise. Mais Dieu en a décidé autrement, dans un songe, « l’ange du Seigneur[5] » le lui fait comprendre. C’est l’annonciation faite à Joseph : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit saint. Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus[6] ».
En donnant à Jésus son nom, Joseph va donc assumer une véritable et pleine paternité. Il sera le père humain de Jésus. On peut dire que Joseph a été créé père de Jésus et époux de Marie. Jésus est ainsi inséré corporellement dans cette généalogie de Joseph, et c’est bien grâce à Joseph que Jésus est fils de David. La signification du nom Jésus : « Dieu sauve » rappelle l’action de Dieu.
L’obéissance totale et immédiate de Joseph dans la foi, en fait le collaborateur du dessein de Dieu. Il est le premier à entrer dans cette attitude spirituelle que Dieu demandera. Il rend sublime la foi de Marie.
Modèle des travailleurs, de l’époux chrétien, de l’ami fidèle, il est aussi dans sa foi, son espérance et son amour le modèle du contemplatif. Saint Joseph, fidèle à travers tout, fidèle dans son intelligence et dans son cœur, a éminemment vécu cette « vie filiale en Dieu ». Il est donc bien le modèle de tout chrétien dans son désir de vivre dès aujourd’hui la vie éternelle à laquelle il est appelé.
La dévotion à saint Joseph dans l’Histoire
ll est vénéré depuis bien longtemps en orient comme en témoigne cette prière de saint Ephrem :
« Bienheureux es-tu, ô juste Joseph, parce que, à tes côtés, grandit celui qui s’est fait petit enfant en se faisant à ta mesure.
Le Verbe habita sous ton toit, sans pour autant quitter le sein du Père.
Ô noms bien heureux qu’il a pris dans son amour : Fils de David, Fils de Joseph, celui qui était Fils du Père[7] ». Saint Ephrem
Son culte se diffuse en occident dès le XIe siècle mais il faut attendre le XVe siècle pour que le pape Sixte IV introduise officiellement son culte avec une fête le 19 mars. Après les apparitions de Cotignac, en 1661, le roi Louis XIV consacre la France à saint Joseph, chef de la Sainte Famille. Le 8 décembre 1870, le pape Pie IX déclare officiellement saint Joseph patron de l’Eglise universelle, affirmant que « La dévotion envers saint Joseph est le salut de la société contemporaine » et le pape Jean XXIII a ajouté son nom au canon de la messe.
Le mariage de Joseph et Marie
Alors que les Évangiles demeurent silencieux sur cet événement, de nombreuses œuvres, tel ce vitrail de l’église saint Antoine au Chesnay montrent le mariage de Marie et Joseph :
La scène du mariage est toujours représentée dans un espace ouvert, devant le temple de Jérusalem où, selon les textes apocryphes[8], Marie a été élevée.
Le vitrail (à Saint-Antoine du Chesnay) ici présenté est l’œuvre des ateliers Lorin à Chartres et fait partie de tout un ensemble remarquable crée pour la nouvelle église saint Antoine en 1900. Avec des décors art-nouveau de fleurs et de lys, le maître verrier reprend l’histoire racontée par la légende dorée : on voit le grand prêtre unir par le mariage Marie et Joseph lors d’une liturgie indiquée par un encensoir au premier plan. Joseph tient entre ses mains un bâton fleuri. Si le Protévangile de Jacques présente un Joseph âgé et veuf, d’autres traditions ainsi que de nombreux saints, parlent d’un Joseph d’une trentaine d’années et non marié.
Jacques de Voragine au XIIIe siècle dans La Légende dorée[9] écrit : « Quand elle eut atteint l’âge de quatorze ans, le pontife annonça publiquement que les vierges élevées dans le temple, qui avaient accompli leur temps, eussent à retourner chez elles, afin de se marier selon la loi. Toutes ayant obéi, seule la sainte Vierge Marie répondit qu’elle ne pouvait le faire, d’abord parce que ses parents l’avaient consacrée au Seigneur, ensuite parce qu’elle lui avait voué sa virginité. »
Alors le Pontife consulte les anciens qui décident de prier le Seigneur, alors ils entendent : « une voix qui disait que tous ceux de la maison de David qui étaient disposés à se marier, ne l’étaient pas encore, apportassent chacun une baguette à l’autel, et que celui dont la baguette aurait donné des feuilles, et sur le sommet de laquelle, d’après le prophète Isaïe, le Saint Esprit se reposerait sous la forme d’une colombe, celui-là sans aucun doute devait se marier avec la Vierge. »
« Joseph apporta sa baguette qui fleurit aussitôt »
« Il parut évident à tous que Joseph devait être uni à la sainte Vierge. Joseph s’étant donc marié, retourna dans sa ville de Bethléem afin de disposer sa maison et de se procurer ce qui lui était nécessaire pour ses noces. »
D’autre part, dans la Bible, l’allusion aux baguettes se réfère à l’époque de Moïse : dans des circonstances difficiles pour la communauté, Dieu avait fait connaître son choix[10] . Dans une tente particulière, les chefs des douze tribus d’Israël durent chacun déposer une baguette, portant le nom de leur tribu. « Le lendemain, Moïse retourna dans la tente […], et voici que la verge d’Aaron avait fleuri, pour la tribu de Levi : il y avait poussé des boutons, éclos des fleurs et mûri des amandes ».
C’est sur ce modèle biblique que le rédacteur du Protévangile de Jacques a construit le récit de la désignation de Joseph.
Certains textes ultérieurs intégreront même une prophétie d’Isaïe (11, 1-2) qui annonçait au peuple juif les origines et les qualités d’un roi futur : « Un rameau sortira du tronc de Jessé et de ses racines croîtra un rejeton. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur[11] ».
Au XIIIe siècle, la poésie du Romanz de saint Fanuel, abondamment reprise dans d’autres récits, influence aussi l’iconographie :
« Cette baguette qu’il tenait, il aurait voulu la jeter et s’enfuir, fleurir quand dans sa main il la vit fleurir, porter fruit et reverdir. Et tout en haut de la baguette, il vit se poser une blanche colombe. »
Prodige que le poète interprète aussitôt :
« Cette baguette qui fleurit symbolise sainte Marie, vierge mère qui enfanta et jamais ne toucha un homme ; et la colombe posée dessus signifie, selon l’Écriture, l’avènement de Jésus-Christ, comme le dit la prophétie. »
Le lys de Joseph est donc tissé de toutes ces références bibliques : la baguette de celui qui est élu comme Aaron, la fleur signe du rameau qui refleurit chez Isaïe ainsi que la virginité de Marie dont il est le gardien.
Dans ce tableau conservé en l’église Saint-Pierre-aux-liens de Vaux-sur-Seine, le peintre représente la colombe de l’Esprit au-dessus de la scène, le Pontife d’une main approche la main de Marie de celle de Joseph et de l’autre montre le livre de l’Ecriture soulignant l’accomplissement de la prophétie.
Les gestes du mariage ressemblent à ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Saint Joseph, protecteur de la sainte famille
Considérons maintenant l’épisode de la fuite en Egypte : dans l’évangile, c’est Joseph qui est prévenu du danger.
« Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît
en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : d’Égypte, j’ai appelé mon fils. » Mt 2, 13-15
Cette scène est reprise dans l’église Saint-Germain-de-Paris à Andrésy [12]. Le peintre s’attache à montrer la végétation de cette région avec les palmiers. Dans certains écrits apocryphes, les arbres se penchent pour donner au Sauveur du monde des fruits pour le nourrir. Ici, une sculpture égyptienne tournant le dos à Marie et Jésus représente l’idolâtrie de l’Egypte que le sauveur du monde vient visiter.
Saint Joseph est exalté par les saints pour cette mission durant laquelle il protège l’enfant et sa mère :
« Si le premier Joseph qui fut vendu et mené en Egypte par la jalousie de ses frères, a été la figure de Jésus-Christ, vendu par Judas, le second, fuyant la persécution d’Hérode, porta Jésus-Christ en Egypte. (…) Celui-là mit les blés en réserve pour tout le peuple d’Egypte et non pour lui-même, celui-ci [saint Joseph], reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier[13] ». Saint Bernard
La paternité de Joseph
Une magnifique statue a été commandée par la paroisse sainte Julitte à Saint-Cyr l’Ecole :
Cette œuvre à l’élégance toute romane montre Joseph qui protège Jésus dans son manteau ouvert. On se souvient que le manteau symbolise parfois dans l’Ancien testament la vocation, ainsi on peut imaginer que Joseph donne à Jésus par son éducation et l’apprentissage d’un métier tout ce qu’une vocation d’homme reçoit de son père.
Joseph présente les mains de Jésus, comme lorsqu’un père apprend à marcher mais surtout Joseph humblement s’efface pour que celui qui est le Salut soit premier et nous accueille avec ses bras ouverts.
Selon, Augustin Frison-Roche, sculpteur : « L’art ne doit pas simplement copier la réalité mais présenter la réalité remodelée par le vrai, par une pensée. Appliquer cette démarche à la réalisation d’une statue de st Joseph revient à poser cette question à l’Eglise : qu’y a-t-il de plus important dans la figure de st Joseph ?
Ce sont son humilité, sa confiance en Dieu et en son intercession, son statut de protecteur de la sainte Famille, le modèle du père et du travailleur.
Le travail de l’artiste est de traduire ces idées fondamentales par des volumes, des gestes, d’adapter la réalité par des choix, de la remodeler par des ellipses et des rythmes, pour rendre visibles ces éléments invisibles.
C’est ce que j’ai essayé de faire, outils en main. Par l’inclination de la tête, le regard, les mains ouvertes, j’ai souhaité rendre visibles l’humilité et la confiance en Dieu. Plus original, le Christ, sculpté en bas-relief, indissociable de st Joseph, moyen de traduire la très grande proximité de ce saint avec Dieu, sa grandeur et la confiance que le fidèle peut lui témoigner. »
A Chambourcy, dans l’église sainte Clotilde, Saint Joseph est représenté tenant les outils du charpentier, il tient la main de Jésus. Joseph lui transmet le savoir-faire né de l’expérience humaine du travail, par lequel l’homme continue d’œuvrer à la création. Celui qui était dès le commencement se tient humblement auprès de Joseph, comme un enfant près de son père, acceptant de se laisser conduire et tenant dans sa main la colombe de l’Esprit dont il est empli. Quel mystère de contempler Dieu fait petit enfant, se soumettant à l’éducation d’un homme ! Et quelle figure magnifique que Joseph qui apprend à Jésus les gestes de son métier pendant toutes les années de la vie cachée à Nazareth. « Comme saint Joseph, chers pères de famille, respectez et aimez votre épouse, et conduisez vos enfants, avec amour et par votre présence avisée, vers Dieu, où ils doivent être [14] ».
Le renouveau de la dévotion des pères de famille à saint Joseph
Approfondir l’exemple que saint Joseph offre aux hommes d’aujourd’hui –aux pères, aux fiancés, aux époux, à ceux qui travaillent ou cherchent un emploi, c’est ce qu’a souhaité le père Pierre Hervé Grosjean, alors curé de la paroisse. En installant dans le chœur de l’église ste Julitte une statue de st Joseph tenant dans ses mains l’enfant Jésus, celui-ci a voulu manifester plus visiblement la présence de la Sainte Famille et placer la paroisse sous sa protection.
La présence de la statue a renforcé le groupe « st Joseph », créé dans cette paroisse qui accueille sans cesse de plus en plus de familles et de jeunes couples. Ces hommes prient, réfléchissent à être meilleur époux, meilleur père et parlent de leurs épreuves et de leurs joies. Et nul doute que st Joseph, choisi par Dieu pour protéger la sainte famille, veille à ce qu’ils s’ouvrent à la paternité de Dieu …
Puisse cette belle œuvre inspirer notre prière confiante envers l’époux de Marie, le chef de la sainte famille et le père nourricier de Jésus dans le sillage du Tropaire à saint Joseph :
« Joseph de Nazareth, toi le juste et le saint dans la foi d’Abraham, tu portas dans tes bras l’époux de l’Alliance Père silencieux à l’image du Père qui est aux cieux, tu nourris du pain de la terre celui qui est le pain du ciel. Joseph qui protégea la Vierge Immaculée, protège en notre temps l’Eglise Immaculée intercède aujourd’hui pour ton peuple Israël. Demeure le gardien de nos communautés, et de leurs bergers, toi qui fus berger de l’Agneau. »
« Je vous salue Joseph, vous que la Grâce divine a comblé, le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux, vous êtes béni entre tous les hommes et Jésus, l’Enfant divin de votre virginale Epouse est béni. Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail, jusqu’à nos derniers jours et daignez nous secourir à l’heure de notre mort, Ainsi soit-il »
Sabine de Maupéou et Nathalie Lockhart
[1] Marie-Dominique Philippe, Le Mystère de Joseph, SAINT-PAUL, 1997, p.8[1]
[2] St Matthieu, I, 1
[3] St Matthieu, I, 18
[4] Isaïe VII, 14
[5] St Matthieu, I,20
[6] St Matthieu, I, 21
[7] Saint Éphrem le Syrien de Nisibe (306-373), Diacre et Docteur de l’Eglise
[8] Protévangile de Jacques
[9] Légende dorée, Nativité de Marie, chapitre 127.
On peut lire l’intégralité sur http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/
[10] Nombres, XVII, 16-28
[11] D’après Les Épousailles de Marie et de Joseph par Jacques POUCET, Membre de l’Académie royale de Belgique, Professeur émérite de l’Université de Louvain
[12] Alphonse Alexandre Niquevert : 1776-1860, fuite en Égypte : 1808
[13] Premier sermon sur l’Avent, cité par Jean-René Bouchet, Lectionnaire pour les dimanches et les fêtes
[14] Benoît XVI, homélie du 19 mars 2009, Yaoundé, Cameroun