L’Adoration des bergers – une douce Nativité à voir à Versailles
Cette oeuvre magistrale de Jean Restout peinte en 1761 pour la cathédrale Saint-Louis de Versailles y est toujours visible pour s’extasier, comme les bergers, sur la Nativité représentée dans un magnifique jeu de clair-obscur.
“Soyez sans crainte car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur” Luc 2, 10-11
C’est ainsi que l’ange du Seigneur s’adresse aux bergers pour leur annoncer la formidable nouvelle qui va changer le monde.
Une oeuvre de son temps, la contre réforme
En 1761, le peintre Jean Restout fut choisi par la Fabrique de l’église Saint Louis de Versailles pour illustrer la scène. Restout, déjà âgé – il devait mourir en 1768 à 76 ans -apparaissait comme le plus digne représentant de la grande peinture religieuse. Des dizaines de ses toiles se trouvaient placées dans les églises et couvents de France.
Dans cette œuvre magistrale, Jean Restout, profitant des dimensions exceptionnelles du tableau, – hauteur : 6m15, largeur : 4m10 – manifeste ses qualités de décorateur et de coloriste. Il a surtout le souci de transformer l’art en une prédication. Il s’inscrit ainsi dans le grand mouvement de la Réforme catholique initié par le concile de Trente : tout doit être mis en œuvre pour toucher les cœurs, impressionner les esprits, communiquer la Foi.
Cette œuvre respecte l’évolution du thème de la Nativité issu de la Contre- Réforme. Le peintre représente ici le moment où le Fils de l’Homme est pour la première fois reconnu par les hommes. La Vierge n’est plus comme autrefois étendue sur un lit ou à genoux et en prière devant l’Enfant qui vient de naître. Assise à ses côtés, elle soulève délicatement le voile qui le couvre afin de le montrer aux bergers accourus à l’appel de l’ange.
Eloge de la lumière
L’Enfant, devenu lumineux, éclaire les ténèbres et fait rayonner les visages. Il est véritablement « la Lumière née de la Lumière » ; c’est une théophanie, la manifestation de Dieu. A cette image peuvent s’appliquer les paroles de la Transfiguration : « son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. » (Mat 17. 2) puis « une nuée lumineuse les enveloppa » (Mat 17. 5).
La nuée lumineuse est le symbole de la divinité, elle s’élève ici jusqu’au ciel et se creuse formant une sorte de grotte de lumière. Des anges l’habitent, l’un d’eux déplie la banderole qui porte l’inscription « Gloria ». On a vraiment le sentiment de l’irruption du divin dans cette humble masure dont la charpente est à peine visible sur les côtés du tableau.
Les bergers, ambassadeurs du genre humain
Les bergers ont un rôle important car ils symbolisent le genre humain auquel s’adresse la Bonne Nouvelle. Ils sont ici groupés autour de l’Enfant. L’un joue de la cornemuse, manifestant ainsi sa joie, deux autres joignent les mains ou se prosternent dans le geste de la prière et de l’adoration. Celui qui est debout à gauche semble vouloir se protéger de la lumière qui émane du Christ. Trois petites filles apportent des œufs, offrande du pauvre mais aussi symbole de la vie nouvelle apportée par Jésus. Le bâton posé au premier plan évoque celui qui se dira le « Bon Berger » : « mes brebis entendent ma voix, moi je les connais et elles me suivent » ( Jn 10. 11)
Jouant du contraste entre l’ombre et la lumière, Jean Restout nous invite à méditer le mystère de l’Incarnation et à célébrer la gloire du Seigneur qui se révèle aux hommes.
Béatrice Dumas